Tu aimes cette résidence car elle est en mouvement perpétuel. Ceux qui ne sont pas capables de t'apprécier à ta juste valeur partent, et de nouveaux arrivants emménagent, l'esprit libre de tous ces ragots qui courent sur ta personne. Tu es toujours la première à les accueillir et qui n'apprécie pas de nouer des liens alors qu'il ne connaît personne ? Tu aimes bien Ambrosia. Elle te prend comme tu es pour le moment, et tu as même pu collaborer avec elle en te produisant dans son club. Tu aimes bien Ambrosia, surtout depuis cette soirée-là, car elle t'a beaucoup complimentée et vous vous êtes promises de recommencer. Tu aimes toujours les gens qui savent reconnaître ton talent.

Vous êtes seules ce soir dans la colocation - et tant mieux, tu ne supportes pas la petite amie de Dante, qui te déteste pour une raison que tu n'arrives pas à cerner, incapable de voir que ton attitude envers lui est outrageusement séductrice. Tu as pris soin de te préparer comme pour une sortie en fanfare, à ton habitude. On ne te voit jamais sans maquillage, et tu portes rarement autre chose que de jolies robes légères. Quand tu ouvres la porte à Ambrosia, tu lui adresses un joli sourire et éprouves un sursaut de contentement. Tu es mieux habillée qu'elle, qui s'est vêtue joliment mais simplement, puisque c'est une simple soirée canapé. Ce sont les petits plaisirs comme ceux-là qui peuvent provoquer ta joie naïve d'enfant. En conséquence, plus généreuse que d'habitude, tu te fends d'un compliment. Ambrosia ignore encore à quel point ils sont rares dans ta bouche et dénotent une grande affection de ta part.

- Ne t'inquiète pas, tout est prêt, tu es pile à l'heure ! Et du champagne, comme c'est gentil ! Ton haut est magnifique !

Toujours tactile, tu pose une main sur son épaule et l'attire contre toi pour lui faire la bise. Lorsque tu te recules, tes yeux ourlés de noir s'attardent sur le décolleté de ta voisine. Tu ne lui as pas menti : c'est vrai que son haut est très joli malgré sa simplicité, et il met une agréable poitrine en valeur. Ambrosia est très belle, avec ce physique qui pourrait te rendre facilement jalouse. Mais elle est discrète et peu envahissante, et cela te suffit pour sentir ta lumière briller plus fort que la sienne, et être heureuse et épanouie en sa présence.

- Tu peux t'installer ici. Je vais chercher les flûtes, et les DVDs sont sur la table, tu choisis le premier film !

Les petits bonheurs simples de la vie : une amie, des films, et du champagne. Que rêver de mieux ? Quand tu reviens dans le salon avec les flûtes, ton regard brille de contentement. Tu fixes Ambrosia droit dans les yeux avec un sourire malicieux :

- Qui débouche la bouteille ?

[Hahahaha, la galère, j'ai jamais vu Mamma Mia ! xD (Mais c'est sur ma liste "Culture comédies musicales", j'en suis pas à ce point non plus)]

Tu entends Ambrosia bouger les DVDs alors qu'elle fait son choix. et tu gardes ce sourire joyeux qui te monte aux lèvres chaque fois que tout se déroule exactement selon tes désirs. En restant amie avec toi depuis trois mois, Ambrosia bat des records, et toi tu es déjà convaincue d'avoir trouvé quelqu'un qui te soutiendra et t'admirera toujours. Cette soirée doit se dérouler parfaitement bien, du début à la fin.

Quand tu reviens dans le salon avec les flûtes, ta voisine te présente le DVD de Mamma Mia ! et tu éprouves un sursaut de plaisir. Une comédie musicale, c'est une occasion idéale pour pouvoir démontrer tes talents à la blonde et forcer un peu plus son amitié. Toutes ces méthodes te paraissent normales, tu ne connais aucun autre moyen d'avoir des amis.

- Oh, j'adore ! C'est parfait !

C'est d'autant plus parfait que tu as déjà joué Donna dans une petite production ici, à Athènes, et que tu as pratiqué ses chansons jusqu'à l'épuisement. C'est l'un de tes plus gros succès, quoique particulièrement doux-amer, puisqu'il t'a rappelé ton rêve avorté par l'impossibilité d'aller vivre aux États-Unis, et ta sœur brillant à Broadway. Mais ce soir, tu n'y penses pas : Ambrosia ne sait pas que tu es seulement la deuxième star de la famille, elle ne connaît que toi.

Tu débouches le champagne avec un POP sonore des plus agréables à l'oreille, et tu verses l'alcool pétillant dans les flûtes. Tu tends la sienne à ta voisine alors qu'elle vient s'asseoir à tes côtés et que le film commence. Ton regard est irrésistiblement attiré par son décolleté, qu'elle a décidément très désirable. Tu fais cela naturellement, sans conscience de ton impolitesse ; on ne t'a jamais appris que cette tendance à déshabiller les gens du regard regard est malvenue et dérange le plus souvent.

- Tu es bien optimiste, moi j'y ai renoncé. Je fais fuir tout le monde, je n'arriverai jamais à trouver quelqu'un qui me supportera toute ma vie, soupires-tu.

Tu n'aimes pas admettre que tu fais fuir les gens, et tu es habituellement très douée pour élaborer toutes sortes d'explication décrivant exactement comment l'autre est coupable en tous points, et toi en aucun. Mais ici, tu vois l'occasion de quémander un compliment de la part de quelqu'un qui n'a pas encore vu, ou admis, tes mauvais côtés. L'amour, tu n'y as jamais vraiment cru, tout d'abord parce que tu ne sais même pas ce que c'est. Tu n'en vois qu'une version déformée, plus proche de maître-esclave qu'une véritable union.C'est exactement ce que tu partages avec ton frère, et donc, puisque c'est ton frère, tu n'y vois rien de plus que de la normalité, et rien pouvant s'apparenter à un amant amoureux.

Ton mari devra combler tous tes désirs, te répéter chaque jour à quel point tu es belle et douée et merveilleuse, te supplier chaque jour de ne jamais le quitter, t'assurer chaque jour que sans toi, il cessera tout à fait de vivre et attendra la mort, sans toutefois t'en vouloir si cela signifie ton bonheur. Dans ces conditions, peut-être, oui, peut-être pourrais-tu tomber amoureuse. Mais il semble évident que cela n'arrivera jamais.

- Je ne suis même jamais tombée amoureuse. Je suis toujours tombée sur les pires mecs qui soient...

Rien de mensonger, ici, mais surtout parce que tu attires les mauvais garçons comme la lumière les insectes. Toutefois, pas un ne t'a rendu malheureuse. Outragée, vexée, humiliée, enragée, oui, mais rien de plus banal pour toi qui as des attentes si étranges de la part des autres.